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Marrakech en 48 heures

En janvier 2019, je me suis rendu à Marrakech, seul pour une fois, dans l’optique unique de photographier la rue.

Je suis resté un peu plus de deux jours sur place, et j’ai passé le plus clair de mon temps éveillé à photographier, principalement dans la Médina, mais également un peu dans la Ville Nouvelle, en prenant des bus aux hasards et en usant mes semelles.

C’est en attendant un bus que j’ai pu discuter un peu avec Mohammed, qui a accepté de poser rapidement pour une photo.

En rentrant, j’ai posté deux tirages de ses photos à Mohammed. Je ne saurai jamais s’il les a bien reçues.

La Médina de Marrakech, tout comme celle de Fès, qui a fait l’objet d’un voyage plus tard dans l’année, est un lieu parfait pour se perdre, et observer la vie qui se passe à même la ruelle. Des enfants jouent, des hommes discutent, des femmes travaillent, des mules traversent, des jeunes nous indiquent systématiquement le chemin vers “La place”, pas toujours le bon.

En terme de photo, l’expérience est fabuleuse et difficile à la fois. Dans une ville où les photographes de Magnum vivent une crise de confiance et que la bible de la photo de rue moderne F.D. Walker qualifie de “the most challenging”, les récompenses sont pourtant nombreuses.

Tous les sens sont mis à rude épreuve, notamment celui de l’orientation dans les ruelles tortueuses de la vieille ville, où il et aisé de se perdre. De plus, de nombreuses personnes sont peu enclines à se faire photographier, et encore moins à laisser les femmes se faire photographier. Et ces personnes sont très enclines à vous crier dessus, en plusieurs langues différentes. Même avec de l’habitude, c’est toujours désagréable à vivre.

Cela me fait me poser de nombreuses questions : quelle est ma légitimité à être là ?
La loi est de mon côté (on peut en effet, sur la majeure partie du globe, prendre des photos des gens dans la rue sans leur demander leur consentement), mais la religion (berbère ou musulmane) peut le prohiber. J’ai là une place de touriste riche occidental, dans une société en partie façonnée par la colonisation française. Suis-je juste en train de m’amuser d’un exotisme à bon compte, ou bien ai-je un véritable rôle à jouer pour documenter et mettre en valeur ce que je vois ? De même, dois-je respecter la religion locale lorsqu’elle m’enjoint de ne pas photographier les femmes par respect pour elles, ou alors serait-ce criminel que de ne pas représenter de femme dans mon travail ?

Les gens qui s’énervent contre moi n’ont pas conscience de ma démarche, ni de mon objectif : je ne suis qu’un touriste parmi d’autres. Si je prenais le temps d’expliquer ma démarche, de montrer mon travail, je pense que la majorité des gens qui s’opposent à la photo de rue changeraient d’opinion. Mais ce temps, je ne le prends pas, ou rarement. Ce serait contraire à ma façon d’aborder la photographie de rue. On marche, on photographie, et au bout de quelques heures, on rentre dans le “flow” de la ville. On sent ce qui va se passer, on arrive à appréhender les gens, notre confiance déborde, et les locaux ne se sentent plus agressé. Cet état, lorsqu’on arrive à l’atteindre, est délicieux, jouissif presque, et c’est ce qui rend la photographie de rue si géniale à mes yeux.

Si ce texte est peu clair, c’est que ces questions, je me les pose encore, et je ne sais pas si j’y répondrai un jour.

En terme de photos, je suis heureux du résultat. La lumière si dure dans les ruelles pleines de contrastes est un plaisir à manipuler ! Et en terme d’expérience, j’ai beaucoup appris sur moi-même.

A Marrakech, un lieu est particulièrement marquant : la place Jemaa-el-Fna. Presque vide en journée, c’est tout un monde qui vient s’installer dans l’après-midi, pour tous les soirs nourrir et divertir des marrakchis par milliers.

Elle mériterait un reportage à elle seule.